samedi 30 janvier 2016

Frede du Carroll's

Pochette du disque "Frede présente une soirée au Carroll's" 
(Ducretet-Thomson 1957)
Frede est l'un des personnages importants du roman Remise de peine, paru en 1988. Modiano la décrit ainsi : « Une brune aux cheveux courts, au corps gracile, au teint pâle. Elle portait des vestes d’homme, serrées à la taille, que je croyais être des vestes de cavalière. » 

Elle fait partie des individus un peu étranges que croisent le narrateur Patoche et son petit frère dans la maison des environs de Paris où ils grandissent, loin de leurs parents. Une maison où ne vivent que des femmes. Frede n’habite pas sur place. Mais elle passe régulièrement. Elle y reçoit même du courrier. Le jeudi, comme il n’y a pas école, elle vient parfois avec son neveu qui a le même âge que Patoche et son frère. Les trois garçons jouent ensemble. Ils parlent du Carroll’s, un nom souvent mentionné par les adultes, surtout par Frede et Annie, une des trois femmes de ce curieux gynécée. 

« Il ne faisait aucun doute pour nous que Frede dirigeait un cirque à Paris, plus petit que Médrano, un cirque sous un chapiteau de toile blanche, rayée de rouge, qui s’appelait ‘‘Le Carroll’s’’ », se souvient le narrateur.

Portrait de Frede par Pierre Le-Tan
Cette Frede constitue une figure suffisamment importante de Remise de peine pour que son portrait par Pierre Le-Tan ait longtemps orné la couverture de l’édition de poche.

Comme l'indique Modiano dans son livre autobiographique Un Pedigree, Frede a réellement existé. Frede était son "nom de théâtre". Elle se nommait en réalité Suzanne Baulé, et dirigeait dans les années 1950 le Carroll's une boîte de nuit située rue de Ponthieu, dans le huitième arrondissement de Paris. L'écrivain l'a croisée à cette époque, alors qu'il habitait avec son frère chez une amie de ses parents, à Jouy-en-Josas. 

Le magazine Le Crapouillot a consacré un article à Frede en 1972, alors qu'elle avait déjà cessé son activité. Le Carroll’s était "l’une des plus belles boîtes des années cinquante, si ce n’est la plus belle", y assure le journaliste. Avec elle, l’endroit "a toujours figuré en tête du hit-parade des cabarets pour lesbiennes, alors qu’elles y étaient plus que minoritaires parmi le public." ("Frede, la reine du Carroll’s", Le Crapouillot n°23, décembre 1972). 

En 1938-39, comme le mentionne Modiano dans Remise de peine, Frede animait déjà une autre boîte de nuit, La Silhouette, installée à Pigalle, 58 rue Notre-Dame-de-Lorette. 

Encart publicitaire pour La Silhouette (Paris-Soir, juin 1939)
La vraie vie de ce personnage hors du commun est racontée dans le livre Frede, de Denis Cosnard, l'auteur de ce blog (éditions Les Equateurs, mai 2017). 



A découvrir aussi : Frede, belle de nuit, un blog consacré spécifiquement à Frede.

En janvier 2016 est paru un roman d'Aude Lechrist intitulé Une allure impeccable (Stock), dont l'héroïne, Freddy, est une jeune mannequin qui dirige un cabaret appelé Le Carroll's. 

Ce roman mêle en un seul personnage de fiction deux femmes très différentes voire opposées ayant réellement existé, une mannequin vedette, Marie-José Vassé dite Freddy, dont les souvenirs ont été publiés en 1956 (Dans les coulisses de la haute couture parisienne, Flammarion), et la Frede du Carroll's. Aude Lechrist a rencontré Patrick Modiano, cité dans les remerciements, et a lu ses livres, en particulier Remise de peine. La dernière partie de son roman est d'ailleurs une réécriture du récit de Patrick Modiano. Patrick-Patoche et son petit frère figurent ainsi parmi les personnages d'Une allure impeccable. 

4 commentaires:

  1. Réponses
    1. Oui, Maria Félix a été l'un des très grands amours de Frede, une relation passionnée qui s'est terminée au tribunal

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  2. Bonjour,

    Je tombe sur cet article en faisant une recherche sur Marie-José Vassé, dite Freddy, mais par esprit d'escalier : en réalité, je cherche à retrouver une émission entendue sur France Culture voici plus de quinze ans sur une autre mannequin vedette de l'époque, qui a fini par s'enfermer chez elle et se laisser mourir de faim, en notant dans son journal le fil de son agonie. Ce journal a été publié mais je ne me souviens plus d'aucune référence.
    En revanche, je me souviens que le personnage de Louki, dans Dans le café de la jeunesse perdue, doit énormément à Jacqueline Harispe, dite Kaki, également mannequin et qui s'est défenestrée fatalement au milieu des années cinquante.
    Puisque Modiano semble s'intéresser de près au milieu de la mode de cette époque, j'ai pensé que vous auriez peut-être une piste pour ma quête ?

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  3. Hello, George,
    I am a big fan of Freddy, and a published paper doll artist. I wish to draw a paper doll of her & the fabulous clothes she wore as a model. If you have found out any info on her, I'd love to find out more about her!

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